Merleau-Ponty
Maurice Merleau-Ponty

Philosophe du sens, il développa la phénoménologie, s'inspirant en cela de Husserl. Comme Sartre, avec qui il fonda Les Temps Modernes, il est athée et existentialiste mais s'oppose clairement à lui sur la question de la conscience.

Sommaire
Les sources de sa pensée.
La vie de Merleau-Ponty.
Apport conceptuel.
Principales œuvres.
Deux extraits de la Phénoménologie de la perception.

Les sources de sa pensée.
Hegel l'inspire pour sa dialectique mais il est aussi influencé par Husserl, sans accepter l'idée d'un moi transcendantal. Il s'est rapproché progressivement de Heidegger. La tradition française (Maine de Biran, Bergson) et la Gestalt Theorie sont aussi aux sources de sa pensée.
La vie de Merleau-Ponty

Maurice Merleau-Ponty est né à Rochefort-sur-Mer, le 14 mars 1908. Il fait ses études secondaires au Havre, puis à Paris, au lycée Jeanson-de-Sailly et à Louis-le-Grand. Elève de l'Ecole Normale Supérieure, où il eut pour condisciple Sartre, de 1926 à 1930, il est reçu à l'agrégation de philosophie en 1930.

Professeur dans l'enseignement secondaire (à Chartes) puis agrégé-répétiteur à l'école de la rue d'Ulm, officier en 1939-1940, il est reçu docteur-es-lettres en 1945 avec deux ouvrages qui le distinguent : La structure du comportement (1942) et la Phénoménologie de la Perception (1945). Cette même année il fonde avec Sartre et Simone de Beauvoir la revue Les Temps Modernes, qu'il quittera en 1951. Il enseigne à l'Université de Lyon. Il publie Sens et non sens en 1948. Nommé professeur à la Sorbonne (1949), il est élu au collège de France en 1952. Son ouvrage important, Signes, paraît en 1960.

Maurice Merleau-Ponty meurt brutalement, à sa table de travail, le soir du 3 mai 1961, à l'âge de 53 ans. Le Visible et l'Invisible sera édité comme œuvre posthume, en 1964.

Apport conceptuel.

" La phénoménologie, c'est d'abord le désaveu de la science. " Le savant, en effet, a toujours une conception implicite de la subjectivité ou de l'objectivité qui déforme les données qu'il recueille. La critique est donc ici tournée contre un positivisme naïf, " chosiste " et contre la psychologie qui occulte la subjectivité de ses données et ne saurait être une science. Il faut tourner le dos tant au rationalisme qu'à l'empirisme.

Le comportement n'est pas une simple réaction à quelques stimuli mais, avant tout, des significations visées par la conscience. Avant même toute intention de l'âme, les comportements ont un sens en tant qu'ils sont des réponses à la signification vitale de la situation. Le comportement est une forme.

La conscience percevante n'est pas une conscience pure car percevoir, c'est percevoir du sens. La conscience n'est pas un réceptacle passif des sensations. Entre la conscience et les choses existe un inter-monde c'est à dire le monde culturel des institutions et des symboles, des sens déjà donnés, déposés par la culture et l'histoire. Par exemple, si je perçois le printemps comme joyeux, c'est parce que toute une tradition culturelle me le fait percevoir comme tel, parce que les Grecs le fêtaient, qu'on l'associa historiquement à la révolution etc. Toute expérience humaine a une dimension historique.

Le sujet n'est jamais une âme pure, une substance séparée. Toute existence est incarnée. Mais le corps n'est pas une simple substance étendue mais un ensemble de significations vécues. Le corps est animé, l'esprit est incarné, l'esprit et le corps ne se séparent pas.

L'inter-monde entre la conscience et les choses est d'abord le langage. Le sens n'est pas dans les consciences mais entre elles. Le langage est le tissu de la relation à autrui mais il s'inscrit dans le rapport de la conscience et du monde qui définit notre condition.

S'inspirant de Marx, Merleau-Ponty admet l'idée que l'histoire est intelligible mais qu'il s'y mêle sens et non-sens. Le sens, ce sont les significations issues de l'homme et le non-sens est le fond de la nécessité sur lequel se profilent les entreprises humaines.

Les principales œuvres.
  • La structure du comportement (1942)
  • La phénoménologie de la perception (1945)
  • Les aventures de la dialectique (1945)
  • Sens et non-sens (1948)
  • Eloge de la philosophie (1952)
  • Signes (1960)
  • Le visible et l'invisible (posthume, 1964)
 
http://www.cyberphilo.com/def/existentialisme.html

Phénoménologie de la perception Merleau Ponty
« Autrui ou moi, il faut choisir, dit-on. Mais on choisit l'un contre l'autre, et ainsi on affirme le conflit. Autrui me transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on. En réalité le regard d'autrui ne me transforme en objet, et mon regard ne le transforme en objet, que si l'un et l'autre nous nous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous nous faisons l'un et l'autre regard inhumain, si chacun sent ses actions, non pas reprises et comprises, mais observées comme celles d'un insecte. C'est par exemple ce qui arrive quand je subis le regard d'un inconnu. Mais, même alors, l'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie comme pénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible. Le regard d'un chien sur moi ne me gêne guère. Le refus de communiquer est encore un mode de communication. La liberté protéiforme, la nature pensante, le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne l'anéantit pas. Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer. Mais qu'il dise un mot, ou seulement qu'il ait un geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'est donc là sa voix, ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible. Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle. Même la méditation universelle qui retranche le philosophe de sa nation, de ses amitiés, de ses partis pris, de son être empirique, en un mot du monde, et qui semble le laisser absolument seul, est en réalité acte, parole, et par conséquent dialogue. Le solipsisme ne serait rigoureusement vrai que de quelqu'un qui réussirait à constater tacitement son existence sans être rien et sans rien faire, ce qui est bien impossible, puisque exister c'est être au monde. Dans sa retraite réflexive, le philosophe ne peut manquer d'entraîner les autres, parce que, dans l'obscurité du monde, il a appris pour toujours à les traiter comme consortes et que toute sa science est bâtie sur cette donnée de l'opinion. La subjectivité transcendantale est une subjectivité révélée, savoir à elle-même et à autrui, et à ce titre elle est une intersubjectivité. »
 
(M. Merleau Ponty, Phénoménologie de la perception (1945), Éd. Gallimard, pp. 414-415.)
 
« Je perçois autrui comme comportement ; par exemple je perçois le deuil ou la colère d'autrui dans sa conduite, sur son visage et sur ses mains, sans aucun emprunt à une expérience " interne " de la souffrance ou de la colère et parce que deuil et colère sont des variations de l'être au monde, indivises entre le corps et la conscience, et qui se posent aussi bien sur la conduite d'autrui, visible dans son corps phénoménal, que sur ma propre conduite telle qu'elle s'offre à moi. Mais enfin le comportement d'autrui et même les paroles d'autrui ne sont pas autrui. Le deuil d'autrui et sa colère n'ont jamais exactement le même sens pour lui et pour moi. Pour lui, ce sont des situations vécues, pour moi ce sont des situations apprésentées. Ou si je peux, par un mouvement d'amitié, participer à ce deuil et à cette colère, ils restent le deuil et la colère de mon ami Paul : Paul souffre parce qu'il a perdu sa femme ou il est en colère parce qu'on lui a volé sa montre, je souffre parce que Paul a de la peine, je suis en colère parce qu'il est en colère, les situations ne sont pas superposables. Et si enfin nous faisons quelque projet en commun, ce projet commun n'est pas un seul projet, et il ne s'offre pas sous les mêmes aspects pour moi et pour Paul, nous n'y tenons pas autant l'un que l'autre, ni en tout cas de la même façon, du seul fait que Paul est Paul et que je suis moi. Nos consciences ont beau, à travers nos situations propres, construire une situation commune dans laquelle elles communiquent, c'est du fond de sa subjectivité que chacun projette ce monde " unique ". »
 
M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945), Éd. Gallimard, p. 409.)
 
haut de page