Henri Bergson
Henri Bergson

Philosophe de la conscience, de la vie intérieure, il s'oppose pourtant aux intellectualistes qui n'ont pas vu que l'intelligence est une faculté active (l'homme est un fabricateur d'outils) avant d'être spéculative. Il s'oppose aussi au scientisme. Son influence au début du XX° siècle fut considérable.
Sommaire
Les sources de sa pensée.
La vie de Bergson.
Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.
Il s'inspire du pragmatisme de William James (1842-1910) qui définit le vrai par l'utile et du spiritualisme de Lachelier (1832-1918) et de Ravaisson (1813-1900). Bergson est aussi l'héritier de la mystique à commencer par celle de Plotin. Enfin il s'oppose au scientisme et au matérialisme de la fin du XIXème siècle.
La vie de Bergson
Henri Bergson est né à Paris le 18 Octobre 1859. Sa mère était anglaise et ne s'adressa jamais à lui en français. Son père, instituteur d'une famille juive de Varsovie, était pianiste et compositeur.

Le jeune Bergson reste en pension à Paris où il fait des études brillantes. Il obtient plusieurs prix au concours général et il entre à l'Ecole Normale Supérieure en même temps que Jean Jaurès. Il est reçu second à l'agrégation de philosophie. Dans le paysage intellectuel de cette fin de siècle, l'alternative semble être entre le scientisme et ceux qui proclament " la banqueroute de la science ". Enseignant au lycée de Clermont-Ferrand, Bergson dessine une voie originale: "porter la métaphysique sur le terrain de l'expérience". Il revendique pour la philosophie la précision et la modestie devant les faits, qui sont la marque de l'esprit scientifique.

En 1889, il soutient sa thèse à Paris: Essai sur les données immédiates de la conscience, mais la Sorbonne ne prête aucune attention à l'analyse de la durée qui constitue l'essentiel du livre.

En 1892, il épouse Louise Neuburger. Ils auront une fille, Jeanne. Sa candidature à la Sorbonne n'est pas retenue et il est nommé au lycée Henri IV.

Quelques années après la publication de Matière et Mémoire (1896), il entre au collège de France. C'est la consécration. Il devient le plus célèbre philosophe français.

Il écrit L'évolution créatrice (1906). Au cours de nombreux voyages il prononce des conférences et notamment La conscience et la vie (1911) qu'il publiera avec un recueil d'articles sous le titre L'Energie spirituelle.

Pendant la guerre, il est envoyé par Clémenceau à Washington dans le but de convaincre le président Wilson de se ranger aux côtés de la France. La paix revenue, il assume des responsabilités importantes dans une commission internationale dont s'inspireront plus tard les fondateurs de l'UNESCO. Reçu à l'Académie Française, il publie un ouvrage très controversé, Durée et simultanéité (1922), dans lequel il discute la théorie de la Relativité qu'Einstein venait d'élaborer.

En 1925, il ressent les premières atteintes d'un rhumatisme déformant qui ne devait plus lui laisser de répit. A demi paralysé, il ne peut se rendre à Stockholm pour recevoir le prix Nobel de littérature qui lui est attribué en 1928. Il écrit son dernier livre, Les Deux Sources de la Morale et de la Religion (1932), qui marque une évolution vers la mystique chrétienne.

C'est dans le silence qu'il assiste, consterné, à la venue du désastre. Il meurt le 4 janvier 1941 à 81 ans. Il est enterré au petit cimetière de Garches. En 1937 il avait écrit: "Mes réflexions m'ont amené de plus en plus près du catholicisme où je vois l'achèvement le plus complet du judaïsme. Je me serai converti, si je n'avais vu se préparer depuis des années la formidable vague d'antisémitisme qui va déferler sur le monde. J'ai voulu rester parmi ceux qui seront demain des persécutés."

Apport conceptuel.
1) Intelligence et intuition.

À la définition classique de l'homme comme homo sapiens, Bergson substitue celle d'homo faber. Cela ne signifie nullement que l'intelligence ne nous définirait pas mais elle est fondamentalement une faculté active :" L'intelligence envisagée dans ce qui paraît être la démarche originelle est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication."

Il est aussi devenu classique de définir l'homme par le langage. Mais Bergson constate que le langage ne peut communiquer que ce qui nous est commun. Les mots sont les mêmes pour tous les individus d'une même communauté (et comment, en effet, communiquerions-nous sans donner un sens unique à chaque signe ?) et ne peuvent donc exprimer ce que nous ressentons. Par exemple, il y a mille façons d'aimer mais un seul verbe pour l'exprimer. Pas plus qu'il ne peut communiquer notre psychisme profond, le langage ne peut exprimer le réel objectif. Il n'est qu'un instrument d'action.

C'est ce qui explique le privilège de l'intuition chez Bergson. Ce mode de connaissance direct, immédiat, nous fait pénétrer l'être profond du réel.

2) La conscience.

L'intuition est d'abord ce qui nous permet de saisir notre vie intérieure et en particulier la durée.

Bergson oppose le temps objectif à la durée (ou temps subjectif). Le temps objectif correspond à la vision scientifique du temps. C'est le temps mesuré par l'horloge, celui qu'on divise en heures, minutes et secondes. Mais Bergson reproche à la science de manquer l'essence du temps. Croyant mesurer le temps, le scientifique mesure en réalité de l'espace (l'espace parcouru par exemple par l'aiguille de l'horloge ou par le sable dans le sablier) et, du reste, spatialise le temps, comme le montre cette habitude de représenter le temps par une droite c'est à dire par un espace. Le scientifique manque l'essentiel, ignore la réalité du temps. Le temps réel est la durée, dimension de la conscience. Le temps subjectif est le temps vécu, celui qui fait paraître certaines heures plus longues et d'autres plus courtes, celui surtout qui se révèle dans l'expérience de l'attente. La durée est l'étoffe du moi, un devenir imprévisible. Ce caractère imprévisible nous révèle notre liberté.

Bergson définit la liberté en ces termes : " Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité toute entière, quand ils l'expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance que l'on trouve parfois entre l'œuvre et l'artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l'influence toute puissante de notre caractère : notre caractère c'est encore nous. " Bien sûr, il ne faut pas voir un acte libre dans toutes les manifestations de notre subjectivité. Il faut distinguer plusieurs niveaux de conscience. Bergson distingue l'action sous l'impulsion du moi superficiel, constitué d'idées toutes faites, de préjugés sociaux, de débris de connaissance. Cet acte n'est pas vraiment notre mais procède de ce que l'existence a de plus dépendant des modes, des habitudes et stéréotypes ambiants. Toute autre est l'action faite sous l'impulsion du moi profond, domaine des connaissances bien assimilées, des goûts authentiques, des volontés mûries longuement. Elle est vraiment notre et là réside la liberté.

Notre vie intérieure est aussi mémoire. Bergson distingue la mémoire-habitude de la mémoire-souvenir. Il prend un exemple pour mettre en évidence la différence entre les deux. Supposons que j'étudie une leçon. Pour l'apprendre par cœur, il me faut la lire plusieurs fois. Chaque lecture me permet de la retenir de mieux en mieux jusqu'au moment où je peux la réciter sans le livre. On dit alors que la leçon est dans ma mémoire.

Si, maintenant, je cherche comment la leçon a été apprise et que je me représente les différentes étapes par lesquelles je suis passé pour retenir ma leçon, chacune des lectures me revient dans leur ordre de succession dans le temps. J'en ai la mémoire.

Dans le premier cas, si la leçon est dans la mémoire, nous avons affaire à une mémoire-habitude. Dans le second cas, si les étapes de l'apprentissage de ma leçon sont dans ma mémoire, c'est selon une mémoire-souvenir. La mémoire souvenir est représentation et représentation seulement. Les images se sont imprimées en une seule fois dans mon esprit et selon une nécessité naturelle. Cette mémoire est spontanée, capricieuse. C'est la mémoire par excellence.

La mémoire habitude n'est pas une simple représentation. Elle exige d'ailleurs du temps pour en développer toutes les articulations (le temps nécessaire pour prononcer tous les mots de ma leçon). Ce n'est pas une représentation mais une action qui appartient au présent et regarde l'avenir. Le contenu ne s'est pas imprimé en une fois mais en plusieurs, ce qui a exigé répétition et effort. Le processus n'est donc pas spontané. Il s'agit plus d'une habitude éclairée par la mémoire que d'une véritable mémoire.

Les deux mémoires ne sont pas absolument séparables. À mesure que se constitue la mémoire souvenir se constitue la mémoire habitude, même quand je ne le veux pas : j'acquiers de l'expérience. En somme, tout dépend de l'utilisation que nous faisons de nos souvenirs. Si notre conscience cherche à revoir son passé, il s'agit de mémoire souvenir ; si elle utilise l'expérience passée pour les besoins de l'action, il s'agit de mémoire habitude. La mémoire souvenir est propre à l'homme et suppose de " s'abstraire de l'action présente ", d'" attacher du prix à l'inutilité ", de vouloir rêver. La mémoire habitude nous pousse, elle, à agir et à vivre. Elle nous aide à tirer des leçons du passé.

3) L'élan vital - La religion.

L'élan vital désigne un processus créateur et imprévisible qui organise les corps qu'il traverse. C'est une force qui saisit la matière et introduit l'indétermination et la liberté. C'est la spontanéité créatrice (contrariée d'ailleurs par la nécessité de la matière). L'élan vital explique l'évolution du vivant.

Cet élan vital explique l'existence de ce que Bergson appelle la religion statique . Celle-ci a deux sources :

  • Contrairement à l'animal, l'homme sait qu'il doit mourir. Si les animaux, poussés par l'élan vital, ont confiance en la vie sans conscience de la mort, avec l'homme apparaît la réflexion. L'homme constate que tout ce qui vit finit par mourir et se convainc qu'il mourra lui aussi. L'intelligence lui donne, bon gré, mal gré, la conviction de la mort. Or cette conviction est en contradiction avec l'élan vital qui le caractérise et donc en contradiction avec sa nature même d'être vivant. La pensée de la mort réduit chez l'homme le mouvement de la vie. La nature va alors réagir contre cette pensée de la mort. " à l'idée que la mort est inévitable (la nature) oppose l'image d'une continuation de la vie après la mort ; cette image lancée par elle dans le champ de l'intelligence remet les choses en ordre. " L'idée d'une survie après la mort permet de compenser l'influence que pourrait avoir l'exercice d'une intelligence terrorisée par l'idée de la mort ou de l'échec. La première source de la religion statique est donc une sorte de volonté de se perpétuer par réaction contre la brièveté de la vie. La mythologie se nourrit de cette vie supposée dans l'au-delà.
  • La religion est aussi une réaction contre l'égoïsme. Si certains animaux ont un instinct social, chez l'homme l'instinct tend à diminuer au profit de l'intelligence. Celle-ci a d'ailleurs des avantages. Elle permet à la société de progresser, d'inventer. Mais encore faut-il pour cela que la société subsiste. Or l'invention suppose l'initiative individuelle. L'individu vise alors à diriger son intelligence sur lui-même, à échapper à la gêne que la vie sociale lui impose. L'intelligence conseille d'abord l'égoïsme parce que nous ne voyons pas spontanément que se tourner vers les autres, les aider, nous est utile. Mais, là encore, la nature veille. Elle donne aux hommes l'idée d'un Dieu protecteur de la cité qui défend, menace et réprime, qui oblige à travailler pour la société. Croyant en un Dieu qui punit l'égoïsme et récompense celui qui travaille socialement, l'intelligence se met au service de la société.

Telles sont les origines de ce que Bergson appelle la religion statique. La religion dynamique est toute différente. Elle est désintéressée et est dépositaire de la spiritualité religieuse. Elle est d'essence mystique. C'est la foi qui soulève les montagnes, l'aspiration à l'absolu. Telle est la véritable religion aux yeux de Bergson.

Les principales œuvres.
  • Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)
  • Matière et mémoire (1896)
  • Le rire (1899)
  • L'évolution créatrice (1907)
  • L'énergie spirituelle (1919)
  • Les deux sources de la morale et de la religion (1932)
haut de page   
http://www.cyberphilo.com/def/existentialisme.html