Molière

Molière (Jean-Baptiste PoquelinRien ne prédispose Jean-Baptiste Poquelin, né à Paris en 1622 et mort dans sa ville natale en 1673, issu de la bourgeoisie marchande parisienne – son père est tapissier ordinaire du roi, c'est-à-dire fournisseur attitré de la cour – à devenir homme de théâtre. Il fréquente d'abord le collège de Clermont, l'établissement de Jésuites le plus réputé de la capitale, avant d'aller étudier le droit à Orléans. Aussi, l'« invincible penchant » qui le pousse à faire du théâtre, en 1643, paraît tout à fait surprenant.

Il fonde avec des camarades novices et sa maîtresse, Madeleine Béjart, l'Illustre-Théâtre, rêvant de concurrencer l'
Hôtel de Bourgogne et le Marais ; mais la troupe connaît un échec retentissant. Molière – ce pseudonyme apparaît pour la première fois en 1644 – et Madeleine partent alors en province, enrôlés dans une troupe de comédiens ambulants. Ils mènent de 1646 à 1658 la vie pittoresque d'une compagnie itinérante, qui joue avec succès farces et tragédies. Molière, devenu directeur de la troupe, compose pour elle des farces et même des pièces d'une certaine qualité : l'Etourdi est créé à Lyon en 1654, et le Dépit amoureux à Béziers, en 1656. En 1658, Molière et ses amis reviennent à Paris.

Il bénéficie bientôt de la protection de Monsieur, frère du roi, et
Louis XIV lui-même est conquis par le Dépit amoureux ; le succès intervient dès 1659, avec les Précieuses ridicules, qui inaugurent la série des chefs-d'œuvre.
Directeur de troupe, metteur en scène, acteur et auteur, Molière connaît une ascension qui fait progressivement de lui ce qu'il restera toujours, le plus grand auteur comique français.


A l'immense talent du comédien s'ajoute une production intensive : grandes comédies, divertissements de cour fastueux, farces plaisantes fournissent l'essentiel du répertoire d'une troupe qui s'est installée dans la salle du Palais-Royal, ouverte en 1661, et qui s'est spécialisée dans le genre comique, soulevant les rires du public qui vient nombreux assister aux représentations. Cependant la portée satirique, le réalisme critique de l'œuvre, souvent opposés aux traditions, morales, religieuses et sociales, grossissent – à partir de l'École des femmes surtout – le nombre des ennemis de Molière. L'appui du roi n'est pas suffisant pour enrayer la montée des hostilités ; le scandale dun
Tartuffe, en 1664, met brutalement un terme à la période exaltante, combative et allègre, de l'ascension.

Jamais pourtant l'activité créatrice de Molière ne s'est ralentie, et les graves ennuis qui l'assaillent de 1665 à 1667 ne parviennent pas à l'abattre. Il écrit des comédies fort drôles, comme Amphitryon, les Amants magnifiques ou le Bourgeois gentilhomme, mais aussi des pièces exceptionnelles comme Tartuffe, le Misanthrope, l'Avare et les Femmes savantes, par exemple. Mais ses adversaires ne désarment pas et il faut à Molière toute sa ténacité pour ne pas se décourager. Le roi lui conserve son appui, mais le labeur est exténuant pour contribuer en temps voulu aux divertissements de la Cour. La santé de Molière se délabre et sa vie amoureuse est un échec : il a épousé en 1662 la sœur – ou la fille – de Madeleine Béjart, Armande, et les mauvaises langues l'accusent d'inceste ; de surcroît, Armande est une femme volage qui ne se prive pas de tromper son mari, lequel se consume de jalousie.

En outre, les intrigues de Lully, musicien officiel de la cour avec lequel il a collaboré, assombrissent ses dernières années. Atteint par une forme particulièrement grave de tuberculose, Molière s'effondre au sortir d'une représentation du Malade imaginaire. Les comédiens n'ayant pas droit à des funérailles religieuses, Armande rencontre les plus grandes difficultés pour obtenir de l'Église un enterrement décent, et Molière est enterré de nuit ! Sept ans plus tard, sa troupe de Molière, qui avait fusionné avec celles de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, donnera naissance à la Comédie-Française.

En quinze ans Molière a composé et monté plus de trente pièces, parmi lesquelles on peut citer l'École des maris (1661), l'École des femmes (1662), Tartuffe (1664), Dom Juan (1665), le Misanthrope (1666), le Médecin malgré lui (1666), Amphitryon (1668), l'Avare (1668), Georges Dandin (1668), Monsieur de Pourceaugnac (1669), le Bourgeois gentilhomme (1670), les Fourberies de Scapin (1671), les Femmes savantes (1672), le Malade imaginaire (1673).
 


source: http://archives.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/Victor%20Hugo/Notes/Moliere.htm