Chrétien de Troyes
On ne sait quasiment rien du plus grand romancier français du Moyen Âge. On suppose qu'il a fréquenté les cours de Marie de Champagne (qui lui a imposé le sujet de son Lancelot) puis de Philippe d'Alsace, comte de Flandres (Perceval lui est dédié). Sa grande culture semble indiquer une formation de clerc. Le Conte du Graal est inachevé, peut-être en raison de la mort de son auteur. Chrétien de Troyes aura de multiples héritiers tout au long du Moyen Âge. Sa redécouverte, toutefois, est relativement récente : ignoré à la fin du XIXe, il n'est édité et traduit qu'après la seconde guerre mondiale.
Chrétien de Troyes est l'auteur de cinq romans en vers : Erec et Enide (v. 1170), Cligès (v. 1176), Le Chevalier de la Charrette (Lancelot) et Le Chevalier au Lion (Yvain) (v. 1178-1181) et Le Conte du Graal (Perceval) (v. 1182-1190). Les aventures des chevaliers qui sont les héros de ces romans ont bien entendu un sens symbolique : il s'agit de la quête d'une identité. L'amour tient également une large place, mais, chez Chrétien de Troyes, ne se réalise pleinement que dans le mariage. Il a également écrit deux chansons d'amour qui sont les plus anciennes connues en langue d'oïl, ainsi qu'un bref récit ovidien, Philomena.
Dans les prologues de ses romans, le romancier expose de façon claire les grands principes de sa poétique, qui est également celle du roman de cette époque. Elle s'articule autour de trois notions : la matière (le sujet), fournie par des sources orales ou écrites, le sens (la direction, l'orientation générale), qui est souvent imposé par le commanditaire et la conjointure (la composition), qui donne cohérence et unité, et fait du roman une oeuvre d'art. Pour la première fois avec Chrétien de Troyes, on peut parler d'une "oeuvre" : ses romans forment un ensemble cohérent, avec des constantes et des ruptures. Ils se distinguent par un style et une tonalité propre : une sorte de distance, pleine d'humour et de poésie.
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