Pensées – quelques
extraits
Le Traité de la
Sagesse, de Charron, qui n'est pas un gros livre, ne comprend pas moins de 117 chapitres, et chacun de ses
chapitres est subdivisé à son tour: au contraire, les Essais de Montaigne se suivent sans aucune
espèce d'ordre, et dans chaque Essai la pensée de l'auteur court au hasard.
Pascal, Blaise, 063
Les défauts de
Montaigne sont grands. mots lascifs; cela ne vaut rien. Crédule, "gens
sans yeux". Ignorant "quadrature du cercle, monde plus grand".
Ses sentiments sur l'homicide volontaire, sur la mort. Il inspire une
nonchalance du salut, sans crainte et
sans repentir. Son livre n'étant pas fait pour la piété, il n'y était pas
obligé: mais on est toujours obligé de n'en point détourner. On peut excuser
ses sentiments un peu libres et voluptueux en quelques rencontres de la vie;
mais on ne peut excuser ses sentiments tout païens sur la mort; car il faut
renoncer à toute piété, si on ne veut au moins mourir chrétiennement; or, il
ne pense qu'à mourir lâchement et mollement par tout son livre.
Pascal, Blaise, 065
Ce que Montaigne a de
bon ne peut être acquis que difficilement. Ce qu'il a de mauvais, j'entends
hors les moeurs, pût être corrigé en un moment, si l'on eût averti qu'il
faisait trop d'histoires, et qu'il parlait trop de soi.
Pascal, Blaise, 194
Qu'ils apprennent au moins quelle est la
religion qu'ils combattent, avant de la combattre.
Ceux qui passent leur
vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule
raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en
persuadent, négligent de les chercher ailleurs. Cette négligence en une affaire où il
s'agit d'eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne
m'attendrit; elle m'étonne et m'épouvante, c'est un monstre pour moi. Il ne
faut pas avoir l'âme fort élevée pour comprendre qu'il n'y a point de
satisfaction véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont que vanité,
que nos maux sont infinis, et qu'enfin la mort, qui nous menace à chaque
instant, doit infailliblement nous mettre dans peu d'années dans l'horrible
nécessité d'être éternellement ou anéantis ou malheureux. Il n'y a rien de
plus réel que cela ni de plus terrible. Faisons tant que nous voudrons les
braves: voilà la fin qui attend la plus belle vie du monde. Qu'on fasse
réflexion là-dessus et qu'on dise ensuite s'il n'est pas indubitable qu'il
n'y a de bien en cette vie qu'en l'espérance d'une autre vie, qu'on est
heureux qu'à mesure qu'on s'en approche, et que, comme il n'y aura plus de
malheurs pour ceux qui avaient une entière assurance de l'éternité, il n'y a
point aussi de bonheur pour ceux qui n'en ont aucune lumière.
Je ne sais qui m'a
mis au monde, ni ce que c'est le monde, ni que moi-même; je suis dans une
ignorance terrible de toutes choses... Je ne vois que des infinités de toutes
parts, qui m'enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu'un
instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir,
mais ce que j'ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter.
Comme je ne sais d'où
je viens, aussi je ne sais où je vais, et je sais seulement qu'en sortant de
ce monde, je tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d'un Dieu
irrité, sans savoir laquelle de ces deux conditions je dois être
éternellement en partage. Voilà mon état, plein de faiblesse et
d'incertitude. Et de tout cela, je conclus que je dois passer tous les jours
de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m'arriver.
Qui souhaiterait
avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière? En vérité, il est
glorieux à la religion d'avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables; et
leur opposition est si peu dangereuse, qu'elle sert au contraire à
l'établissement de ses vérités. Car la foi chrétienne ne va presque qu'à
établir ces deux choses: la corruption de la nature, et la rédemption de
Jésus-Christ.
Rien n'est si
important à l'homme que son état, rien ne lui est si redoutable que
l'éternité; et ainsi qu'il se trouve des hommes indifférents à la perte de
leur être et au péril d'une éternité de misères, cela n'est soit naturel.
C'est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel, qui
marque une force toute-puissante qui le cause.
Les hommes n'aiment
naturellement que ce qui peut leur être utile.
Rien n'accuse
davantage une extrême faiblesse d'esprit que de ne pas reconnaître le malheur
d'un homme sans Dieu.
Rien n'est plus lâche
que de faire le brave devant Dieu.
Il n'y a que deux
sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables; ou ceux qui servent
Dieu de tout leur coeur parce qu'ils le connaissent, ou ceux qui le cherchent
de tout leur coeur, parce qu'ils ne le connaissent pas.
Un mathématicien et
philosophe qui a surpris tous les savants du 17è siècle
avec son triangle et
sa machine à calculer.
Pascal : un
théoricien aux "Pensées" surprenantes !
Le coeur a ses
raisons que la raison ne connaît point.
Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
Ne pouvant fortifier
la justice, on a justifié la force.
Ce qui fait qu'on va
si loin dans l'amour, c'est que l'on ne songe pas que l'on aura besoin
d'autre chose que ce que l'on aime.
Il n'est pas certain
que tout soit certain.
La vraie morale se
moque de la morale.
La justice sans la
force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
Curiosité n'est que
vanité. Le plus souvent, on ne veut savoir que pour en parler.
L'homme est un
roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant.
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