Les romans de Chrétien de Troyes

Dans le dernier tiers du XIIème siècle, Chrétien de Troyes est l'initiateur de la littérature courtoise. Dans celle-ci il développe une thématique arthurienne, dont la mode fut lancée quelques années auparavant sur les terres d'Angleterre. Il est ainsi l'auteur de cinq romans :

- Erec et Enide (vers 1170), dans lequel Erec, un des plus éminents chevaliers de la Table Ronde, est amené à rencontrer Enide, dont il tombe amoureux, et qu'il épouse. Dès lors, Erec néglige les armes et la chevalerie, ce qui conduit le mariage à la crise. La réconciliation passe alors par une quête visant à concilier amour et chevalerie...

- Cligès (vers 1176), où le héros est fait chevalier par le Roi Arthur mais retourne bien vite dans son pays d'origine, la Grèce, où vit celle qu'il aime. Cette dernière n'est autre que l'épouse de l'Empereur, qui l'a épousé au mépris du serment qu'il avait prononcé auprès de son frère, Alexandre, père de Cligès. A cette trahison, Cligès répondra par une autre trahison, bien plus légitime celle-là...

- Yvain ou le Chevalier au Lion (vers 1177-1181), dans lequel ce chevalier de la Table Ronde, va d'aventure en aventure pour reconquérir l'amour de sa dame, envers laquelle il n'a pas respecté son serment. C'est ainsi qu'il devra affronter un lion qui deviendra son compagnon...
À la cour du roi Arthur, Calogrenant raconte la mésaventure qui lui est advenue dans la forêt de Brocéliande pour avoir répandu l'eau d'une fontaine merveilleuse. Le roi décide de s'y rendre avant quinze jours. De son côté Yvain se rend à la fontaine, puise un peu d'eau et la verse sur le perron. Aussitôt s'élève une violente tempête, puis un chevalier inconnu attaque Yvain. Mais ce dernier blesse mortellement son adversaire et le poursuit jusque dans un château dont la porte se referme derrière eux. Yvain serait en grand péril si la servante Lunette, à qui il a jadis rendu service, ne lui donnait un anneau qui le rend invisible. Il assiste aux funérailles de son adversaire, Esclados le Roux, et s'émeut devant la douleur et la beauté de la veuve.
Cette beauté est-elle le chef-d'oeuvre de Dieu et de la Nature? Pendant qu'Yvain agite cette subtile question, les portes se referment et notre chevalier reste prisonnier. Peu lui importe d'ailleurs! Lunette vient lui demander ce qu'il désire et il lui laisse deviner ses sentiments pour sa maitresse. Avec grande difficulté, Lunette persuade sa dame, Laudine, de prendre un chevalier, un seigneur, un nouveau champion, qui remplacerait le mari défunt. Et ce sera Yvain, qui épouse la veuve.
Gauvain entraîne Yvain avec lui participer à des tournois par goût de l'aventure. laudine consent à le laisser partir à condition qu'il revienne au bout d'un an. L'année écoulée, Yvain oublie son serment et sa dame lui interdit de reparaître. Yvain est alors pris de folie; il erre dans les bois, demi-nu. Il sauve un lion aux prises avec un serpend; la noble bête s'attahce à lui, l'accompagne partout et combat ses ennemis. Pour tous, Yvain est désormais le «Chevalier au Lion», dont les exploits se multiplient. Il libère les tisseuses de soie des maîtres sans coeur qui leur imposent des travaux épuisants.
La fidèle Lunette parvient, toujours par ruse, à réconcilier Yvain et sa dame. Un mystérieux chevalier vient, en effet, tous les jours, troubler la fontaine merveilleuse et déchaîner les tempêtes. Seul, dit Lunette, le Chevalier du Lion pourrait défendre la fontaine. Sa maîtresse accepte de le revoir, et découvre alors que le Chevalier au Lion, l'audacieux inconnu, et Yvain, ne sont qu'un seul et même héros. Les deux époux se réconcilient. Yvain, vaincu par l'amour, renonce définitivement à l'aventure.


- Lancelot ou le Chevalier de la Charrette (vers 1177-1181), où ce célèbre compagnon du Roi Arthur est prêt à tout, même à perdre son honneur, pour délivrer celle qu'il aime, la Reine Guenièvre, la propre femme d'Arthur...
En son château de Camaalot, le roi Arthur tient cour plénière quand survient un chevalier inconnu. Il a fait prisonniers des chevaliers d'Arthur et offre de les rendre si un champion du roi vient lui disputer, dans la forêt, la reine Guenièvre qu'il exige comme otage. Le sénéchal Keu accpete le combat, mais on voit bientôt revenir son cheval sans cavalier.
Gauvain, neveu du roi, part à la recherche de la reine; en route, il prête un de ses destriers à un autre chevalier inconnu, dont le cheval est fourbu. Mais, quelque temps plus tard, il trouve le cadavre de ce destrier entouré d'armes brisées, comme s'il s'était produit un violent assaut. Il assiste alors à un étrange spectacle. Le chevalier inconnu est monté dans une charrette dont le charretier est un nain. Il arrive à un château. Après plusieurs épreuves (une lancée enflamée vient mettre le feu à son lit), il apperçoit, d'une fenêtre, la reine, que Méléagant, fils du roi Bademagu, emmène au pays de Gorre «d'où nul étranger ne retourne». De désespoir, il se jetterait par la fenêtre, si Gauvain ne le retenait.
Pour atteindre le pays de Gorre, deux voies périlleuses s'offrent à eux : le Pont-Sous-l'Eau, et le Pont de l'Épée. Gauvain prend la première et le chevalier à la charrette choisit la seconde. [...]



- Perceval ou le Conte du Graal (vers 1181-1183), dans lequel sont successivement mis en scène Perceval, dans sa quête du Graal, et Gauvain, neveu d'Arthur, sommé de se rendre en Escavalon pour se battre en combat singulier, afin de se défendre d'une accusation de félonie...

Notons que ce dernier roman est inachevé, probablement à cause du décès de l'auteur, et que ce fait est probablement en partie à l'origine des "suites" qui seront données très vite à son œuvre...

Quoi qu'il en soit, c'est bien à la cour du Roi Arthur que naissent les aventures des chevaliers racontées par Chrétien de Troyes. Mais le monarque ne joue qu'un rôle secondaire dans tout cela, Chrétien lui préférant l'action conduite par ses chevaliers, l'amour qui est à l'origine des actes de la plupart d'entre eux, et le merveilleux, au titre duquel les œuvres complètes de Chrétien de Troyes sont chroniquées ici.

En effet, les épisodes extraordinaires ne manquent pas : les chevaliers pénètrent jusqu'aux confins de l'Autre Monde (Lancelot dans le royaume de Gorre, Erec à la joie de la Court), d'autres se battent contre des géants, des monstres ou des bêtes sauvages (Yvain vient au secours d'un lion attaqué par un serpent), d'autres encore ont des aventures prophétiques et symboliques (Lancelot au Cimetière périlleux, ou traversant le Pont de l'Epée, Perceval et le Graal). On ne s'étonnera donc pas de l'influence qu'aura Chrétien de Troyes sur la littérature qui lui succèdera au cours des siècles, et ce jusqu'à nos jours.

Car la Fantasy puise une bonne part de son inspiration dans le cycle arthurien, que cela soit ouvertement ou non. Bien sûr le lecteur d'aujourd'hui pourra trouver l'écriture et les thématiques de Chrétien de Troyes dépassées, mais il n'en reste pas moins que c'est en grande partie dans son travail qu'il doit rechercher l'origine des œuvres qui le font vibrer aujourd'hui.

sources : http://arcanesfantasy.free.fr/chretiendetroye.htm et Moyen Age Lagarde & Michard