Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799)

" Quel homme ! il réunit tout, la plaisanterie, le sérieux, la raison, la gaieté, la force, le touchant, tous les genres d’éloquence ; et il n’en recherche aucun, et il confond tous ses adversaires, et il donne des leçons à ses juges. "

Voltaire à d’Alembert, à propos de Beaumarchais et de son quatrième Mémoire contre Goëzman, rédigé en 1774.

 

 

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" Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis ; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées, j’ai tout vu, tout fait, tout usé. "

Figaro, scène 3 de l’acte V du Mariage de Figaro de Beaumarchais.

Il y a chez Figaro du Beaumarchais, comme chez Beaumarchais du Figaro : dans Le Barbier de Séville, Figaro est barbier à Séville, Pierre-Augustin Caron est horloger à Paris, comme son père. Figaro le valet sait choisir ses maîtres, le comte Almaviva est un grand d’Espagne, qui reconnaît les mérites de son serviteur ; Caron se fait valet des filles de Louis XV, de la marquise de Pompadour, favorite du roi, et du roi lui-même, en leur fabriquant d’habiles et délicates montres. Figaro, dans Le Mariage, parvient à tenir tête à son maître, par son intelligence et sa gaieté ; Caron, le roturier devient, avec les mêmes armes, le noble Caron de Beaumarchais, et son propre maître. Comme Figaro, Beaumarchais sera donc " maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! ", et comme lui il pourra dire, à la fin de sa vie " j’ai tout vu, tout fait, tout usé ".

Beaumarchais est considéré aujourd’hui comme l’un des grands personnages du siècle des Lumières, en particulier grâce à sa production théâtrale, et plus précisément aux deux premières pièces de la trilogie que constituent Le Barbier de Séville (1775), Le Mariage de Figaro (1784) et La Mère coupable (1792). Mais la vie même de ce Caron fils d’horloger devenu grand affairiste mondain a contribué, tout autant que son œuvre, à faire de Beaumarchais un homme des Lumières. Si l’on veut tenter de cerner Beaumarchais, il faut, avant que de se plonger dans ses œuvres, se pencher sur sa vie, véritable tourbillon qui vaut la peine d’être évoqué, au moins dans ses grandes lignes. Quant aux productions littéraires, elles sont indissociables des conditions d’existence de Beaumarchais, et, à ce titre, elles ont souvent été une tribune pour cet écrivain soucieux de l’opinion, qui lutta ainsi contre les critiques plus ou moins légitimes dont il a fait l’objet tout au long de sa vie.

Un mot, enfin, du caractère révolutionnaire de l’homme et de son œuvre. Il est évidemment difficile, avec le temps, et malgré le recul qu’il procure, de trancher nettement. De plus, tout est affaire de circonstances, de points de vue, d’idéologie ; écoutons tout d’abord Beaumarchais lui-même :

" J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin […]

Luttant contre tous les pouvoirs du clergé et des magistrats, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire […]

De tous les Français quels qu’ils soient, je suis celui qui a le plus f ait pour la liberté du continent de l’Amérique, génératrice de la nôtre, dont seul j’osai former le plan et commencer l’exécution malgré l’Angleterre, malgré l’Espagne, malgré la France même. […] "

Ces faits avérés montrent que Beaumarchais avait le goût du combat et de la liberté. Certes, comme Figaro, il tentait souvent de " faire à la fois le bien public et particulier ", mais les échecs financiers de la plupart de ses entreprises n’ont pourtant pas suffi à le décourager, lui qui s’est retrouvé ruiné pendant la tourmente révolutionnaire. Il était un homme de son temps, mais il a été dépassé par l’ampleur de la Révolution, comme la plupart de ses contemporains d’ailleurs. Beaumarchais n’était pas un révolutionnaire, mais c’était bien un homme des Lumières, qui a préparé, à sa façon, la Révolution.

source: http://www.alalettre.com/beaumarchais-intro.htm